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L’un des meilleurs photojournalistes haïtiens prend l’exil pour échapper à la fureur des gangs

Le photojournaliste Dieu-Nalio Chéry, lauréat du prix Robert Capa en 2020, finaliste du prix Pulitzer dans la catégorie Breaking news photography, a dû quitter le pays pour sauver sa vie et celle des membres de sa famille. Lors d’une entrevue accordée à la matinale de Magik9 ce mardi, le travailleur de la presse a révélé qu’il s’est trouvé dans la ligne de mire des bandits de Simon Pelé après avoir photographié une fusillade de ce gang sur la route de l’aéroport en mars 2021. Le chef de ce gang armé n’a pas digéré le fait que les photos prises par le journaliste aient été publiées dans les médias internationaux.

« Je me suis mis à couvert depuis le 17 mars 2021. Ce jour-là, je prenais des photos dans une manifestation organisée par Fantom 509, après le fiasco du 12 mars au Village-de-Dieu. Après avoir saccagé, vandalisé des commissariats et libéré de force des policiers en garde à vue, les membres de Fantom 509 sont revenus sur la route de l’aéroport. Ils ont échangé des tirs avec les agents de sécurité de la maison Nissan. Ils se sont ensuite introduits dans le bâtiment pour orchestrer un pillage. Je tentais de prendre des photos mais deux membres du groupe ont menacé de me tuer si je m’entêtais à en prendre davantage. (…) Quelques minutes plus tard, des hommes armés qui sont arrivés du quartier Simon Pelé ont tiré des rafales sur des gens qui pillaient l’entreprise Auto Plaza. J’ai dû m’allonger au sol pour éviter les projectiles et prendre quelques photos. Les assaillants étaient près de moi. J’ai constaté qu’ils traînaient des cadavres afin de les acheminer dans leur gîte. J’ai compris qu’ils étaient en train d’éliminer toute trace de ce qu’ils venaient d’orchestrer. C’est à partir de ce moment que j’ai senti que mes photos pouvaient déranger, que je risquais de mourir s’ils arrivaient à me découvrir. J’ai demandé à mon chauffeur de démarrer sa moto et nous sommes partis en trombe », raconte-t-il.

Quelques jours plus tard, Dieu-Nalio confie avoir été alerté par un confrère que le chef de gang de Simon Pelé était à ses trousses. « Les jours suivants étaient vraiment difficiles. J’ai vécu des soucis de santé avec ma tension artérielle. J’étais stressé. Je craignais le pire pour ma famille. Ma femme était paniquée. On a dû garder les enfants à la maison. Ils ne pouvaient plus se rendre à l’école. Ma femme ne pouvait plus aller travailler. Nous avons abandonné notre maison durant plusieurs semaines, en attendant de quitter le pays. J’ai senti que je ne pouvais pas échapper aux gangs tant ils sont puissants et organisés », explique-t-il.

Dieu-Nalio Chéry, lors de cette entrevue sur Magik9, n’a pas caché sa tristesse en se voyant contraint de tourner le dos au pays. « Je devais sauver la vie de ma femme et de mes deux filles. Mais je suis vraiment triste. Depuis mars, je n’ai jamais pris de photos. Cela me stresse. Je ne veux pas l’accepter. J’ai vécu beaucoup de situations difficiles dans l’exercice de ce métier, mais je n’avais jusque-là éprouvé de peur. Mais le tableau est différent aujourd’hui. Les gangs n’ont jamais été aussi puissants. Je suis obligé de partir parce que plus les jours passaient, plus je sentais la mort s’approcher de ma porte  », a-t-il dit.

Dieu-Nalio Chéry travaille comme photojournaliste depuis plus d’une dizaine d’années. Il travaillait pour l’agence Associated Press. Il est une référence dans ce domaine en Haïti. M. Chéry a reçu diverses distinctions. En 2015, il a failli se faire tuer par des hommes armés à Cité Soleil qui l’accusaient d’être l’espion de la police nationale. En septembre 2019, il a été blessé au menton par un fragment de projectile quand le sénateur Jean Marie Ralph Féthière avait dégainé son arme pour s’en prendre à des manifestants qui le menaçaient. En février 2021, il a été blessé à la jambe par une bonbonne de gaz lacrymogène lancée par la police anti-émeute.

 

Source: https://lenouvelliste.com/article/229975/lun-des-meilleurs-photojournalistes-haitiens-prend-lexil-pour-echapper-a-la-fureur-des-gangs

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